Chantal, 53 ans

Tatouée par Céline (Atelier 105bis)

Quand j’ai vu mon tatouage, j’ai oublié le reste. Je ne voyais plus la prothèse ni un sein qui ne m’appartenait pas, mais ma poitrine.

J’ai eu mon premier cancer à 23 ans, un cancer du système lymphatique Maladie Hodgkin. Mon traitement a été très lourd : 80 rayons. J’avais un seul enfant. On m’avait dit que je ne pourrais plus en avoir. J’en ai eu deux par la suite. Tous les ans, je faisais une mammographie de contrôle. Les médecins avaient omis de me prévenir que mon traitement risquait de provoquer un autre cancer.

 

À 41 ans, on me découvre un cancer du sein. Mon quota de rayons étant dépassé, je ne pouvais plus avoir ce type de traitement. Après une chimiothérapie, j’ai eu une ablation du sein, puis une reconstruction immédiate par prothèse. Mais on a dû me réopérer au bout de trois ans car elle avait bougé.

 

On m’a tatoué un mamelon 3D, mais cela ne tenait pas. On me disait que c’était dû à ma peau, mais je me suis aperçue que cela ne venait pas de moi. Les encres médicales ne tiennent pas longtemps. Je revenais tous les ans et j’en avais assez. Je voulais passer à autre chose. En 2013, dans le magazine Rose, j’ai vu la photo d’une femme tatouée après un cancer du sein. J’ai tout de suite dit à mon mari « je veux me faire tatouer un jour ».

 

Avant, je regardais ma prothèse sans vraiment la regarder, elle m’appartenait sans m’appartenir. Je voulais « cacher » ce sein et passer à autre chose. J’ai voulu participer à la deuxième édition de Rose Tattoo. C’était une belle expérience. Je me suis fait tatouer une tête mexicaine très colorée par Céline de l’atelier 105bis. Elle a su créer un dessin qui m'a tout de suite plu.

 

Quand j’ai vu mon tatouage, j’ai oublié le reste. Je ne voyais plus la prothèse ni un sein qui ne m’appartenait pas, mais ma poitrine. Le matin quand je me levais, au bord du lit, c’était le sein que je voyais en premier dans le miroir. Aujourd’hui, je n’y pense même plus. Je peux mettre des décolletés. Au-delà de la reconstruction, c’est un pied de nez à la maladie. J’ai ma propre tête de mort tatouée, et je suis vivante.


Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.