Corinne, 60 ans

Tatouée par Lilou Mommers

Tous les jours, mon regard se pose sur ce bouquet de fleurs délicat que je porte tel un doux vêtement qui m’enveloppe de douceur et de sérénité.

  

Suite à une échographie mammaire, on ne m’a laissé aucun doute sur la nature de la grosseur dans mon sein gauche. C’était 3 jours avant mes 50 ans et ça a été comme un coup de massue. Les bons vœux d’anniversaire de mon entourage n’arrivaient pas à effacer la douleur immense que je ressentais. J’étais abattue et en colère. Je n’acceptais pas la situation. Après les examens IRM, prélèvements et scanner, l’attente fut longue et pénible pour déterminer le grade et le type de cancer. Il s’agissait d’une tumeur neuroendocrine primitive du sein à petites cellules. Ce cancer atteint généralement les poumons, les voies digestives, le pancréas. La difficulté a été de savoir si la tumeur présente dans mon sein était un primaire ou déjà une métastase. À la suite d’un TEP SCAN, il n’a été diagnostiqué aucune métastase visible ailleurs dans mon corps. Il en a été déduit que c’était un primaire au sein. Une mastectomie du sein gauche a été réalisée, puis une chimiothérapie et, pour finir, 22 rayons.

 

Je suis rentrée dans la bataille dès les premières semaines de traitement. J’ai toujours eu espoir que j’allais m’en sortir. Durant ces huit mois de traitement, j’ai découvert des facettes de moi que je ne soupçonnais pas et j’ai puisé jusqu’au bout de mes forces pour vaincre l’ennemi. Car oui, ce cancer je le considérais comme un ennemi. Il me traversait mais j’allais l’anéantir. Je me suis reconnectée à moi-même, fait un vrai travail d’introspection pour en dégager une véritable force pour combattre. J’ai fait face à mes émotions et cela m’a permis de me révéler.

 

J’ai refusé de porter une perruque et une prothèse mammaire. Je voulais rester moi-même : c’était un pied de nez au cancer. Dès la mastectomie, on m’a parlé de reconstruction mais je l’ai mise dans un coin de ma tête. L’important c’était la bataille et sauver ma vie. Mon image du corps avait changé. J’étais déstructurée. J’avais du mal à regarder la cicatrice et je ne m’attardais pas devant un miroir. J’étais devenue une amazone, j’avais des difficultés à me tenir droite et les douleurs neuropathiques me ramenaient toujours à ce cauchemar.

 

Deux ans après, on m’a enlevé le sein droit par précaution. Mon buste était plat avec deux grandes cicatrices. Ma réflexion sur la reconstruction avait évoluée. Je n’étais pas certaine que c’était ce que je voulais : après des rendez-vous médicaux m’informant sur les techniques de reconstruction, j’ai décidé que je n’aurai pas recours à cette chirurgie. Je n’avais plus rien à montrer, je n’avais plus rien à cacher et j’assumais pleinement mon buste plat. L’idée du tatouage est venue en consultant internet et en voyant que des femmes se faisaient tatouer après un cancer du sein.

 

J’ai toujours été attirée par le tatouage mais la crainte des aiguilles m’avait fait renoncer à ne serait-ce qu’une fleur sur la cheville. Mais lorsque j’ai rencontré l’association Sœurs d’Encre lors d’une visite à l’ATELIER D’éco SOLIDAIRE, c’est devenu une évidence que c’était bien un tatouage qui allait m’aider à effacer ces cicatrices disgracieuses qui me rappelaient les souffrances physiques mais surtout émotionnelles traversées durant la maladie. Il deviendrait comme un habillage. J’étais attirée par les motifs floraux et je savais ce que je désirais voir s’encrer sur ma peau. Lilou a parfaitement su retranscrire ma demande. Dès le tatouage terminé, j’ai ressenti que je l’avais toujours porté en moi et je me découvrais. C’était comme si je me reconnaissais. À cet instant, je me suis tenue droite devant ce miroir et mes larmes ont coulé.

 

Tous les jours, mon regard se pose sur ce bouquet de fleurs délicat que je porte tel un doux vêtement qui m’enveloppe de douceur et de sérénité. Ce cancer ne m’a jamais appartenu, il m’a touché et je l’ai vaincu. Je suis allée jusqu’au bout de moi-même et mon chemin de vie a pris une autre direction. Mon tatouage je l’ai choisi et je l’ai reçu comme un cadeau que me faisait la vie et j’ai envie de le montrer.


Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.