Hélène, 51 ans

Tatouée par Juliette (Atelier 105bis)

Ma reconstruction a commencé ce jour-là. D’un coup de crayon, la lumière est revenue dans ma vie, un feu d’artifice de bonheur, de féminité retrouvée.

J’avais 44 ans quand on m’a annoncé un cancer hormono-dépendant du sein droit et une atteinte ganglionnaire. Ma maman avait eu un cancer du sein, donc je faisais une mammographie de suivi annuel depuis mes 40 ans. Je n’avais pas du tout senti la présence de l’ennemi avant, si ce n’est une immense fatigue inexplicable. À l’annonce de la maladie, j’étais très en colère, remontée contre le monde entier. Je suis infirmière, je passe mon temps à soigner les autres, un tour à « Cancerland » ne faisait pas partie du prospectus.

 

S’en sont suivis une tumorectomie et un curage axillaire. Il y a des tombolas où on souhaiterait être perdantes. Heureusement qu’on ne sait pas tout ce qui va se passer dans le fameux parcours de soins, parce-que c’est plus un parcours du combattant ! Quant à ma dignité, elle avait disparu. Ma cicatrice ? Je la trouvais insupportable, laide, je ne voyais que ça. C’est aussi une cicatrice de l’âme qui ne veut pas guérir. Une petite dose de poison au quotidien, c’est comme si j’avais pris perpétuité !

 

Et puis deux ans après, une amie m’a parlé de l’association Sœurs d'Encre. C’est drôle parfois comme on passe à côté des évidences. Je suis déjà très tatouée, le premier a plus de vingt ans. Mes tatouages forment un journal intime, ils racontent mon histoire. Je me suis rendue à la réunion d’information de l’association à la Maison Rose de Bordeaux. En passant la porte, j’ai immédiatement ressenti de la gentillesse, une atmosphère légère, pas de pitié mais une réelle envie d’aider. Un peu comme si je nageais au fond de l’océan et qu’Alerte à Malibu arrivait en direct dans ma vie !

 

J’y ai fait la rencontre, celle qui a changé ma vie, réellement et sincèrement. La rencontre avec ma future tatoueuse, mon héroïne, ma sauveuse. Elle a tracé mon futur tatouage à main levée et en couleur. C’est un cerisier japonais qui part de ma clavicule, passe sur ma cicatrice du sein et se termine sur ma hanche. J’ai pleuré de joie, c’est indescriptible cette sensation de passer du rien au tout. Ma reconstruction a commencé ce jour-là. D’un coup de crayon, la lumière est revenue dans ma vie, un feu d’artifice de bonheur, de féminité retrouvée. Je me suis sentie à nouveau moi, un nouveau moi plein de vie et ce jour là, jamais je ne l’oublierai. C’était comme si ce nouveau tatouage à venir faisait déjà partie de ma vie, comme une nécessaire et ultime page à encrer.

 

Ma tatoueuse est absolument incroyable, pleine de gaieté, généreuse et très talentueuse. Grâce à elle et à l’association, depuis que j’ai mon tatouage, c’est comme si les clés de ma dignité et de ma féminité m’avaient été rendues. Je me sens belle et forte, je lui prête un peu des pouvoirs magiques, comme une armure contre la récidive - ce qui est nettement plus glamour que les effets secondaires du médicament pour la contrer.

 

Ma gratitude et mes remerciements vont sans limite envers l’association et à Nathalie Kaïd. Des femmes altruistes qui redonnent vie et courage à d’autres femmes, des femmes généreuses et sincères, des femmes passionnées et talentueuses. C’est un peu la définition de la femme, je pense.


Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.