Hélène & Orell #1 / 2016

Un tatouage de confirmation


Hélène, 43 ans

"J’ai gagné ma guerre des tétons !"

Hélène a toujours refusé la victimisation. Elle a demandé à Orell de concrétiser sa victoire par une fleur indomptable. A son image.

 

 

« Je m’étais déjà faite tatouer vingt ans auparavant, et pendant les traitements qui ont suivi ma masectomie, je regardais des images de femmes qui assumaient leur asymétrie, en particulier celles qui avaient choisi le tatouage pour recouvrir leur poitrine. Je suis curieuse de nature, j’ai découvert un monde. Après avoir été opérée d’une grosse tumeur en janvier 2015, j’ai accepté qu’on m’enlève le sein entier. Jusqu’à la fin de ma radiothérapie, la question se posait : reconstruction ou pas ? Au moment des consultations, je me plongeais dans Rose Magazine. Cette lecture m’a aidée à communiquer avec ma famille, à prendre la maladie à bras le corps. J’ai aussi beaucoup aimé « La guerre des tétons » de Lili Sohn qui aborde le sujet d’une façon dynamique et drôle. En février 2016, je suis allée à l’ouverture de la Maison Rose, où je me suis sentie soutenue et encouragée. Quand la Semaine Rose Tattoo a été annoncée sur son Facebook, j’étais déjà décidée !

 

« La douleur : même pas peur !

J’ai tout de suite été attirée par l’univers d’Orell et nous avons beaucoup discuté de mes envies. J’avais des idées de motif floral, et je voulais quelque chose de graphique, avec des couleurs. Le rouge et le noir représentent pour moi le militantisme, une partie importante de mon existence. Dès le lendemain de notre premier contact, Orell m’a fait parvenir sa proposition à partir de la photo de ma cicatrice : 2 coquelicots stylisés. Des fleurs sauvages, libres, irréductibles. Comme moi, elles poussent contre le vent et résistent sur les trottoirs ! Ensemble nous avons ajusté le dessin, réalisé plusieurs calques. Mon mari s’est montré tout à fait d’accord alors que le tatouage ne fait pas partie de son monde. Ma sœur, elle-même tatouée, n’a pas hésité à me donner son avis. Mes garçons ado, eux, n’avaient pas envie de voir. Je comprends. C’est avec ma fille de 11 ans que j’en ai parlé le plus. Quand je suis arrivée à la Maison Rose pour le grand jour, je n’avais aucune appréhension, pas même celle d’avoir mal. D’ailleurs, ça picote mais rien de difficile à surmonter !

Orell, 38 ans

"Je suis allée de surprise en surprise !"

Elle est l’une des “ 2 filles en aiguilles ”, le shop bordelais où officie également Marv. Orell s’avoue épatée par les femmes de la Semaine Rose Tattoo… qu’elles soient tatoueuses ou tatouées !

 

« Lors de la première réunion d’information à la Maison Rose, j’ai été frappée par l’extrême sincérité des femmes rescapées du cancer, et par celle de leurs conjoints. Leur façon de parler de leur corps et de leur épreuve, leur honnêteté, leur pudeur m’ont beaucoup touchée. J’avais choisi de m’engager dans cette aventure pour son aspect humain, pour l’empathie et le partage. Le milieu du tatouage n’est pas facile, fondé sur l’apparence, souvent au détriment de la relation, de la profondeur de la rencontre. A l’inverse, la Semaine Rose Tattoo a suscité de très belles mises à nu et des émotions authentiques. C’est pour des moments extrêmement forts comme celui-ci que l’on fait ce métier. On a ri, on a pleuré, on a parlé, on a créé, deux par deux et toutes ensemble. Aucune concurrence ni esprit de compétition entre tatoueuses, mais une énorme envie de se dépasser.

La veille de tatouer Hélène, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, j’étais dans le même état que pour ma rentrée des classes au collège !

 

« Libération de la parole et des complexes.

L’appréhension et l’excitation sont montées en flèche lorsque chacune a choisi sa tatoueuse. Au premier échange, c’était encore difficile d’exposer les cicatrices, de dévoiler un sein abîmé, une poitrine dissymétrique. Mais je crois au pouvoir symbolique et magique du tatouage, et il a fait merveille ! Le jour J, avant même que l’on commence à intervenir sur leur peau, c’était bouleversant de voir ces femmes déjà transformées, totalement à l’aise, la poitrine en pleine lumière. Elles avaient abandonné toute gêne, toute honte, elles nous montraient et se montraient leur corps librement. Leur attitude face à la maladie nous a beaucoup appris, leur charisme nous a impressionnées. J’ai pris une claque !

Après la séance à la Maison Rose, Hélène est revenue au studio pour que je puisse finaliser son coquelicot, en particulier la couleur rouge qui peut poser problème. J’avais à cœur de lui offrir cet accompagnement jusqu’au bout…

 


Mon tatouage est placé autour de la cicatrice, de part et d’autre. Il l’intègre mais ne la masque pas. C’est parfait !


J’ai une vie de syndicaliste, je suis militante. Témoigner à propos de mon tatouage, c’est un engagement solidaire envers les femmes qui ont traversé le cancer

Nathalie Kaïd a porté le projet à bout de bras. On peut toutes lui dire merci et bravo !


Le fait d’être entre femmes n’était absolument pas une revendication féministe. Ce choix a simplement rendu les choses plus faciles et naturelles, pour les tatouées comme pour nous.