Céline & Toni-Lou

édition #2 - 2017

A 36 ans, je ne m'attendais pas à ce qu'un tatouage me donne autant de force.

Quand elle l'a dessinée sur ma peau, j'ai eu l'impression que ce tatouage faisait partie de moi depuis toujours.

Diagnostiquée à 33 ans d’un cancer au sein gauche en juin 2015 ; chimiothérapie de juillet à octobre 2015 ; tumorectomie en novembre 2015 ; radiothérapie de janvier à mars 2016.

 

Dès la fin de mes traitements, j’allais régulièrement à la Maison Rose. Je participais à un atelier alors que se déroulait la première édition de Rose Tattoo.

L'idée a commencé à germer dans ma tête à ce moment-là, moi qui ne suis pas du tout tatouage. Je trouvais cela très joli mais comme je suis très douillette, je n'avais vraiment pas envisagé de me faire tatouer.

Du fait de mon opération, je trouvais que mes seins n'étaient plus de la même taille et qu’il y en avait un plus haut que l'autre. Je ne voyais plus que ça et ma cicatrice.

 

Je voulais un tatouage pour que la maladie ne me revienne pas à la figure dès que je me regardais dans la glace. Lors de la réunion pour la deuxième édition de Rose Tattoo, j'avais l'idée d'une fleur de cerisier qui représente le renouveau, le printemps. C'est Nathalie Kaïd qui m'a orientée vers Toni-Lou connaissant bien son travail. Lors de notre première rencontre, j'ai regardé son book. Après un premier essai de dessin de fleur de cerisier, comme je n'étais pas très convaincue, cela n'a pas surpris Toni-Lou qui m'a proposé une fleur plus robuste : une fleur d'orchidée.

 

Quand elle l'a dessinée sur ma peau, j'ai eu l'impression que ce tatouage faisait partie de moi depuis toujours.

Je me suis mise à pleurer car c'était juste ce qui me manquait.

 

Mon tatouage a duré trois heures et demie. Au début, ce ne fut pas une partie de plaisir : ça gratouillait un peu ! Après ce fut beaucoup plus difficile surtout sur les côtes quand elle a dessiné les perles une à une. La fin est toujours plus difficile. Même si c'était douloureux, j’aimais tellement son dessin que j'étais déterminée à tenir jusqu’au bout. Cela valait le coup.

 

A la question « Est-ce qu’il y a des choses qui ont changé depuis ton tatouage » je réponds « Est-ce qu’il y a des choses qui n’ont pas changé?». Oui évidemment cela a changé. Je ne m'attendais pas à ce qu'un tatouage me donne autant de force. Je ne croyais pas qu'il pouvait autant me transformer. Je me suis sentie vraiment différente. J'assume beaucoup plus ma féminité. Il a boosté mon retour dans ma vie de femme.

 

Mon mari ne voit plus ma cicatrice, son regard a changé. Il me trouve transformée car je m'assume. Est-ce que c'est le tatouage qui m’a aidée ? Est-ce que je suis passée au-dessus de la maladie ? Même si je l'ai en tête, je ne l'ai plus à l'œil : je ne la vois plus.

 

Ma reconstruction s'est faite progressivement mais le jour de mon tatouage fut le premier jour de ma reconstruction psychique.

 

Ce jour-là  tout a changé. J'envisage  de venir témoigner même si je suis très réservée car c'est grâce aux témoignages que j'ai pu faire ce chemin. J

e vais me faire violence : avant je n'en aurais pas été capable. 


Interview Lara Kastel, rédaction Laurence Marino, Armelle Mirieu Correction Nadine Fréou. Photos Nathalie Kaïd