Nadine & Juliette

édition #2 - 2017

Pour moi, à 56 ans,  c’est le mot FIN de la maladie qu’on a posé en faisant le tatouage.

En 2013, j’ai eu mon premier cancer. J’ai été opérée deux fois et j’ai eu trente séances de rayons. En 2016, il y a eu une récidive avec mastectomie et reconstruction immédiate. La greffe du mamelon a été faite en 2017.

Je suis allée à la Maison Rose et c’est là que j’ai pris connaissance des conférences et du programme de tatouage. J’ai écouté les témoignages qui m'ont beaucoup touchée. La générosité de Nathalie Kaid et des tatoueurs m’a émue. A cette période, j’avais du mal à me regarder. J’avais très mal vécu la mastectomie. Je n’acceptais pas cette masse posée. Je ne pouvais ni regarder ni toucher.

La toute première étape a été la rencontre avec Alexia et son projet de tatouage de l’aréole. Je suis allée lui parler, j’avais envie de le faire mais je manquais de revenus à ce moment là. Alexia m’a dissuadée de faire la pigmentation et elle m’a offert le tatouage. Ce geste m’a bouleversée. La Maison Rose m’a permis de faire tellement de belles rencontres. Après le tatouage de l’aréole, Nathalie m’a appelée pour me dire que Juliette, une tatoueuse de Langon allait me tatouer. Ma fille avait plusieurs tatouages sur le corps et j’avoue que je n’aimais pas cela. Mais les témoignages de ces femmes tatouées m’ont permis d’envisager les choses différemment. Je crois au destin, si j’avais rencontré toutes ces personnes c’est que je devais passer à l’acte aussi. Juliette m’a redonné confiance, elle m’a proposé ce que je voulais : une branche de fleurs de cerisier. J’avais été voir un film « Les délices de Tokyo ». C’est l’histoire d’une femme vieille et malade. Lors d’une promenade, elle voit des pétales qui s’envolent et elle est heureuse comme transfigurée par cette vision. Lors de mon opération, je pleurais beaucoup et on m’a suggéré de choisir une image positive avant de m'endormir. J’ai pensé à la femme de ce film. Son sourire était éclatant grâce aux fleurs de cerisiers qui volaient. C’est un symbole de renaissance. C’est aussi pour moi la clôture du chapitre de la maladie. Comme un nouveau regard positif que je pourrais porter sur moi.

Je suis très heureuse aujourd’hui d’avoir vaincu ma peur. La démarche de ce mouvement autour du tatouage est formidable. Je suis prête à aider les femmes touchées par le cancer et à transmettre aussi l'espoir qu'on m'a donné. Je dois avouer que j’ai eu un peu mal surtout sur le côté mais je n'ai rien senti sur ce qui a été opéré. Juliette a été très patiente. Pour moi, c’est le mot FIN de la maladie qu’on a posé en faisant le tatouage. Des choses ont changé autour de moi. Depuis je me regarde de nouveau et je me suis retrouvée. J’en suis émerveillée. . J’ai l’impression d’être redevenue normale et plus belle. 


Interview Lara Kastel, rédaction Laurence Marino, Armelle Mirieu Correction Nadine Fréou. Photos Nathalie Kaïd