Nathalie & Cathy

édition #2 - 2017

A 49 ans, le tatouage m'a libérée moralement et physiquement.

J’ai reçu le diagnostic le mardi 24 aout 2010 et j’ai été opérée le lundi suivant. On m’a enlevée la valeur d’un poing dans le sein gauche. Il y a eu un petit remodelage durant l’opération. Ensuite chimiothérapie durant six mois et radiothérapie pendant huit semaines tous les jours. En 2012, il y avait des doutes sur les ovaires alors on les a enlevés. L’hormonothérapie était difficile à supporter surtout la deuxième version, je faisais fibrome sur fibrome. J’ai donc arrêté tous les traitements en 2015. Depuis le début de ma maladie, j’ai eu onze anesthésies et j’ai doublé mon poids : ceci est dû aux traitements et au fait de ne plus pouvoir faire de sport de manière aussi intensive. J’ai repris la marche avec des femmes de la Maison Rose. Je vais trois fois par semaine me faire masser chez le kiné pour « décartonner » un petit peu mon sein et je suis allée en cure thermale à Laroche Posay. J’ai un sein plus petit que l’autre mais je ne veux pas d’autre opération car je souffre encore beaucoup des cicatrices. Je laisse passer un peu de temps et je verrai quelle solution adopter comme par exemple rajouter de la graisse à l’intérieur. Les douleurs m’ont provoqué des hernies cervicales par contraction des trapèzes qui ont dû être opérés aussi.

À chaque passage à l’hôpital je prenais le magazine Rose et j’allais à la maison rose. J’y ai découvert le projet Rose Tattoo.

Je suis déjà tatouée et j’en avais entendu parler. Je savais que cela existait aux USA. J’ai rencontré Nathalie Kaïd. J’ai souhaité m’inscrire mais la première session était complète. La deuxième année aussi était bouclée mais Cathy s’est intégrée au projet et j’ai pu être prise en charge. Cathy est spécialiste du tatouage polynésien et je lui ai demandé si elle pouvait rajouter mon prénom en sanscrit, je suis bouddhiste. Cathy l’a fait et a aussi intégré des symboles polynésiens comme ceux de la guérison et de la vitalité dans mon tatouage.

Mon intention, avec un tatouage, était de cacher les cicatrices.

J’avais envie de donner visuellement du volume à mon sein. Il est presque rond et autour du téton, il est cabossé. Il y a même un endroit très creux et c’est donc à cet endroit qu’il y a une fleur de lotus. Cela a permis de donner un aspect rond et volumineux au sein. C’est une illusion d’optique. Il me manque une partie de l’aréole camouflée par des fleurs de frangipaniers. En remontant sur la poitrine, une autre fleur a recouvert la cicatrice de la CIP.

J’ai tout caché visuellement avec ce magnifique tatouage. Les gens voient à présent le tatouage et pas les creux et les cicatrices. Je connaissais la douleur d’un tatouage pour en avoir déjà fait et j’appréhendais étant donné mes douleurs cicatricielles persistantes mais avec Cathy, cela n’a pas été le cas. Elle est extrêmement douce. Avant le tatouage, j’étais très mal à l’aise dans mon corps, je ne voulais plus me mettre en décolleté. Je cachais ce que les gens ne voyaient pas forcément. Le tatouage m’a libérée moralement et physiquement en entraînant également une perte de poids. Cela m’a réconcilié avec mon corps. Les regards sont attirés par le tatouage. Les gens ne savent pas que c’est à cause du cancer du sein mais pensent que j’ai fait un tatouage supplémentaire. Je n’ai plus besoin de me justifier. 


Interview Lara Kastel, rédaction Laurence Marino, Armelle Mirieu Correction Nadine Fréou. Photos Nathalie Kaïd