Régine & Orell

édition #2 - 2017

A 59 ans, je me regarde de nouveau dans la glace.

A 49 ans, en 2009, j’ai eu un cancer des ovaires, puis à 53 ans, un cancer bilatéral des seins. J’ai subi une mastectomie sans reconstruction immédiate , un traitement par chimio et par radiothérapie.

Je suis restée deux années sans sein. Puis j' ai opté pour une reconstruction pour le côté pratique, pour ne plus avoir de prothèses dans le soutien-gorge. Ma reconstruction a été faite par le docteur Françoise Soffray, elle m’a mis des expandeurs pendant six mois puis des prothèses.

Comme j’ai la peau très fine à cause de la radiothérapie, le résultat n’a pas été celui escompté au départ. Je m’en contente maintenant, je n’ai plus le souci de mettre des prothèses, c’est bien comme ça.

J’ai connu Rose Tattoo lors de la première session, je suis venue à la Maison Rose par hasard, le jour où l’association Sœurs d’Encre était là et Nathalie Kaïd a présenté son projet. Je me suis installée, j’ai écouté et cela m’a bien tentée mais il n’y avait plus de place. Quand j’ai su qu’il y avait une deuxième session, je me suis rapprochée de Nathalie. Elle a tout de suite pensé à Orell car je voulais quelque chose de fin. Je ne désirais pas spécialement cacher les cicatrices. Je voulais faire un tatouage simplement parce que j’aime les tatouages.

Pendant mon cancer des ovaires, j’avais fait un pacte avec mes filles : si je m’en sortais, nous nous ferions tatouer. J’ai sur le bras « carpe diem » avec des oiseaux, mes filles aussi. C’était symbolique. Et j’avais vraiment envie de me refaire tatouer. J'ai le dessin d’une fleur de pissenlit quand on souffle dessus et des colibris. Je le trouve très beau, je suis vraiment très contente. Elle m’a tatouée sur le sein, celui qui n’est pas terrible. Elle a aussi caché les traces des impacts de radiothérapie.

Orell tatoue à l’aiguille, je n’ai pas souffert, j’ai ressenti quelques picotements mais je n’ai vraiment pas eu mal. Mon mari est ravi que cela me plaise. Il m’a laissé libre de mes choix même pour la reconstruction. Pour lui, c’est ma peau et je fais ce que je veux pour mon bien-être. Il le trouve magnifique. Quand je fais ma toilette, je contemple mon tatouage. Je me regarde de nouveau dans la glace. Ma poitrine, je la soigne et l’hydrate. 

La relation avec Orell a été très agréable. J’ai eu beaucoup de satisfaction dans cette expérience de tatouage. Peut-être qu’un jour je ferai tatouer ma cicatrice due au cancer des ovaires qui va du pubis aux bas des seins. 

 

On a toutes la même maladie mais toutes une histoire différente et toutes une envie de tatouages différents. 


Interview Lara Kastel, rédaction Laurence Marino, Armelle Mirieu Correction Nadine Fréou. Photos Nathalie Kaïd