Marie-Christine, 59 ans

Tatouée par Alex Labeguerie / La Dame gantée

Citation

J’avais 54 ans lorsque j’ai appris que j’avais un carcinome canalaire infiltrant de grade 3. Au début, j’ai eu l’impression que le sol s’ouvrait sous mes pieds, de glisser dans un gouffre sans fin. J’ai connu l’abattement, la tristesse et l’incompréhension. Personne dans ma famille n’a été touché par la maladie.

 

Puis, très vite, je me suis ressaisie et je suis passée en mode « guerrière ». J’ai voulu démarrer le protocole le plus rapidement possible, ce qui s’est produit. J’ai eu le package complet : chimio, tumorectomie, radiothérapie et hormonothérapie. J’avais un mental d’acier, je me sentais très forte, paradoxalement. J’ai vécu la maladie seule mais très entourée de ma famille proche et de mes amies que j’appelais mes « anges gardiens ».

 

Pour moi, la vie est faite de rencontres. J’ai connu Nathalie Kaïd lors d’une présentation de Sœurs d’Encre. C'étaient les débuts du parcours de l’association. Elle était accompagnée de femmes tatouées et de tatoueuses engagées venues témoigner. Je ne savais pas que se faire tatouer après un cancer du sein était possible. Pendant toute la présentation, j’avais des étoiles dans les yeux et j’ai été conquise par l’idée ! À la fin, je me suis dit : « Ça y est ; c’est décidé, je vais me faire tatouer et être une Sœur d’Encre. »

 

J’ai toujours eu envie d’un tatouage, mais je ne savais ni quoi, ni où. Après ma rencontre avec les Sœurs d’Encre, l’endroit était une évidence et j’avais même choisi ma tatoueuse. Le tatouage me fait oublier mes cicatrices, me donne le sourire quand je le regarde ! Je l’ai montré à toutes mes amies et à tous les soignants. Pour moi, ce tatouage a signé la fin de la maladie. Il me rend belle. Je dis souvent en riant : « Je suis une œuvre d’art ».

 

On dit souvent que chaque tatouage a une histoire. J’aime celle du mien : c’est ma vie, mon vécu. Il me rend forte, me rappelle que j’ai gagné contre la maladie. Il a signé la fin des traitements. J’ai pu me réapproprier mon corps. Je n’ai pas décidé des traitements et du parcours de soin que j’ai reçu, en revanche, j’ai décidé d’être tatouée. Il est beau : je l’aime, je l’admire. J’en suis fière. C’est ma revanche sur la maladie. Aujourd’hui, je me sens comme un kintsugi*. Mon beau tatouage est le début d’une nouvelle moi.


* Mot Japonais qui désigne l’art ancestral de réparer une poterie cassée avec de l’or. Ainsi réparé, l’objet prend paradoxalement toute sa valeur d’avoir été brisée. Ornée de sa cicatrice, il nous raconte son histoire et nous enseigne qu’un « accident » n’est pas une fin en soi mais peut devenir le début de quelque chose de plus beau.

Retranscription du témoignage par Mélissa Castillon.